04 décembre 2006

Pèlerinage à la Mecque...

... de la plongée, Rangiroa, dans l'archipel des Tuamotu.

De tous les archipels polynésiens, c'est sans doute le plus déconcertant, le plus aux antipodes pour les occidentaux. Aussi proche du paradis que de l'enfer, il se caractérise par une géographie extrême. Imaginez un chapelet de 77 atolls, délicats anneaux coraliens à fleur d'eau, essainés sur 1500 km du nord-ouest au sud-est et sur 500 km d'est en ouest. Pas le moindre relief, seulement un vertige liquide, une platitude absolue. Rien de commun avec les îles de la Société ou les Marquises.
Les Tuamotu incarnent pour le visiteur le dépaysement absolu, dans un cadre sauvage. La vie y est simple, les distractions sont rares. Le quotidien est rythmé par la pèche, les travaux dans les fermes perlières ou les cocoteraies, les offices religieux, les arrivées d'avions ou de cargos. Cette rusticité, alliée à l'insolente beauté de leur lagon, constituent leur plus précieux capital.
Ce milieu fragile et vulnérable, voire hostile, passe encore pour un univers "arriéré" aux yeux des Tahitiens. Pourtant, la perliculture, devenue l'un des piliers de l'économie polynésienne, a propulsé cet archipel sur le devant de la scène, lui qui est historiquement le lieu de production des perles dîtes noires. En parallèle, la construction d'infrastructures dans les domaines des télécommunications et des transports, ainsi que le soutien à la coprahculture et à la pèche, ont contribué à désenclaver l'archipel. Le tourisme s'y développe également, notamment grâce à la plongée sous-marine. Paradis bleu par excellence, peu touché par l'activité humaine, les Tuamotu représentent, aux yeux des plongeurs, un monde plein de promesses et de sensations.
Reste que cette modernisation ne concerne pas tous les atolls. Le fossé se creuse entre le nord et l'ouest de l'archipel, qui a misé sur la perle ou le tourisme, et les atolls des Tuamotu centre et est, en partie marginalisés, qui continuent à vivre dans un relatif dénuement.

En deux décennies, Rangiroa (de "Rairoa", littéralement "long ciel") s'est imposé comme une destination touristique à part entière, la plus connue de l'archipel. Sa renommée s'est principalment batie sur la plongée sous-marine. Chaque année, des milliers de plongeurs viennent vivre le grand frisson dans les deux passes, Avatoru et Tiputa.
Situé à 350 km au nord-est de Tahiti, Rangi est le grand seigneur de la géographie polynésienne. Ses mensurations, 75 km d'est en ouest et 25 km du nord au sud, le classent deuxième atoll au monde par sa superficie, juste derrière Kwajalein en Micronésie. Cet anneau coralien en forme de poire pourrait contenir l'île entière de Tahiti. Son lagon est si grand que, d'un bord, il est impossible d'en apercevoir la rive opposée.
En raison de cette immensité, lorsque l'atoll "respire" sous l'effet des marées, de puissants courants se forment dans ses deux étroites passes, pour le plus grand bonheur des plongeurs, car ce renouvellement des eaux attirent une exceptionnelle concentration de faune, notamment des requins, et est propice aux plongées dérivantes.

C'est ainsi que samedi, je décolle de Tahiti pour Rangi à 6h de mat, pour me retrouver, 2h plus tard, sur un zodiac avec 3 autres plongeurs, sur l'océan, au large de la passe de Tiputa, où le fort courant rentrant créé des vagues statiques où jouent les dauphins.
A peine immergés, c'est l'extase. On est dans le grand bleu. La visibilité est encore meilleure qu'à Tahiti, elle dépasse les 70 mètres.
Arrivé à 5m, deux gros requins viennent nager autour de nous.
Croisant un banc de barracoudas et un énorme napoléon, on descend directement à 45 mètres. On ne distingue pas le fond, car en dessous, vers les 60 mètres, il y a un tapis de requins. Des centaines et des centaines de requins partout.
On avance tranquillement. Un vol de 12 raies léopards passe. Puis un deuxième, il y a trop de raies pour pouvoir les compter.
On se fait happer par le courant et on est projetés à travers la passe et au-delà, loin dans le lagon.
Nous somme remontés à 20 mètres, et le fond, 2 mètres en dessous de nous, défile à une vitesse prodigieuse.
Nonchalamment, 2 gros requins marteaux de 5m, remontent le courant et nous passent juste à côté.
Un peu plus loin, c'est une gigantesque raie manta, dans les 5m d'envergure, qui nous rattrape par derrière et reste parmi nous quelques minutes.
Lorsqu'on remonte à la surface, on est plusieurs kilomètres à l'intérieur du lagon.

La deuxième plongée fut moins impressionnante, mais je ne pourrais plus jamais plonger ailleurs que dans les Tuamotus.







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